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Jean-Luc Mélenchon : “Cette fois,
c’est la bonne”
Cette fois, Jean-Luc Mélenchon promet que c’est la bonne. Alors
que la gauche gouvernementale est en lambeaux, qu’Europe Ecologie-Les
Verts (EE-LV) et l’extrême gauche se cherchent encore, lui veut croire à
sa bonne étoile. Le 5 juin, il tiendra un grand meeting à ciel ouvert
place Stalingrad, à Paris, comme lors de sa précédente campagne. Peut-il
tirer profit du climat de révolte sociale qui secoue la France depuis
le mois de février ?
Après avoir réuni près de 4 millions de voix (11 % des suffrages) en
2012, Mélenchon entend bien franchir ce cap en 2017. Alors que les
sondages lui accordent 12 % des intentions de vote, il l’assure auprès
de ses proches : François Hollande ne parviendra pas au second tour.
A partir de là, tout est possible et le tribun se met à rêver (à haute
voix) d’être le héraut d’une France insoumise face à l’austérité
budgétaire qui frappe le continent. Le verbe mesuré, les mots finement
choisis, il soigne sa posture. Le bruit et la fureur sommeilleraient-ils
encore derrière son regard espiègle ?
Les circonstances objectives d’un soulèvement sont-elles réunies en France selon vous ?
Jean-Luc Mélenchon – Je ne crois pas au “grand
soir” qui surgirait de l’actuel réchauffement du climat social. Je pense
que le moment politique est marqué par le croisement de plusieurs faits
qui peuvent produire un résultat explosif. Tout d’abord, la profondeur
de la destruction du lien social sous les coups du néolibéralisme.
Exemple : tous les jours dans ce pays on ferme un pont, tous les deux
jours un paysan se pend. D’autre part, le lien civique du pays est
profondément délité. Les gens ne font plus confiance à aucune
institution, ni à aucune autorité, ils détestent les journalistes,
haïssent les politiques, suspectent les policiers, toisent les juges…
Enfin, le consentement à l’autorité de l’Etat se rompt, parce que
l’ordre – et notamment sa face la plus visible, le maintien de l’ordre
public – est utilisé à des fins étroitement partisanes et idéologiques.
Faire condamner des ouvriers de Goodyear à de la prison ferme est un
signal dont la violence n’a pas été bien mesurée par ceux qui l’ont
envoyé, quand dans le même temps monsieur Cahuzac n’est toujours pas
jugé. Que la police soit utilisée dans le cadre de la répression des
mouvements contre la loi El Khomri avec les méthodes qui sont mises en
œuvre est une manière de détruire un lien qui s’était créé entre
policiers et population après les tueries du 7 janvier et du
13 novembre 2015. Une empathie a été rompue volontairement par le
pouvoir, qui espère un “effet juin 1968” : créer un désordre qui lui
permettrait d’apparaître en sauveur.
Etes-vous surpris par la violence politique qui se manifeste dans le pays ?
C’est de la physique élémentaire. Comme la scène politique
officielle est bâtie autour du consensus eurolibéral, l’expression des
refus a été bâillonnée. La conflictualité s’exprime donc de différentes
manières ailleurs : dans la violence de rue, dans les mobilisations
sociales, le syndicalisme, et aussi dans l’émergence du mouvement La France insoumise.
Cette poussée de vapeur est le résultat du verrouillage de l’espace
public par la caste oligarchique et son personnel politique, de Juppé à
Macron.
Pensez-vous qu’il soit nécessaire de réformer la politique de maintien de l’ordre ?
Oui. La violence générée par la doctrine d’emploi actuelle
doit être avant tout imputée à ceux qui prennent les décisions et
donnent des ordres. Sur le terrain, les policiers obéissent.
Imagine-t-on qu’ils n’en fassent qu’à leur tête ? Quand une nasse se
ferme, aucune des unités de police ne sait ce que font les autres ! Il y
a donc une responsabilité du ministre de l’Intérieur. Je suis contre le
recours au nassage et je suis totalement opposé aux tirs tendus et aux
grenades de désencerclement qui sont des objets très dangereux. Il y a
déjà tant de blessés et deux éborgnés ! Mais je vois aussi l’autre
violence ! Je dis “Pas en notre nom !”. Je tiens à les désavouer. On se
déshonore en cherchant à mutiler un policier. Cela permet à nos
adversaires tous les amalgames et cela crée le risque d’une escalade
vers la guérilla urbaine, que je désapprouve absolument. Je le dis aux
jeunes qui sont tentés : n’ayez pas la moindre illusion sur ce qu’une
ligne pareille produit. Etudiez les expériences passées, notamment en
Amérique latine. Cela ne nous a jamais donné aucune victoire ! Mais ceux
qui sont morts manquent toujours !
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